A mort l’innovation? Google arrête les 20%.

images-2Google est mondialement connu pour son environnement de travail hyper créatif et particulièrement varié. Google, c’est également un modèle en matière de liberté donnée à ses collaborateurs pour organiser son temps de travail comme il l’entend, en se focalisant sur les résultats et l’innovation.

Et l’été 2013 propulse Google au devant de la scène, que ce soit sur la toile web ou de cinéma (souvenez-vous : Les stagiaires). Pourtant, depuis la mi-août, la nouvelle se propage plus ou moins officiellement : Google arrête définitivement sa politique de 20 % de temps libre (20 Percent Time). Voilà qui est interpellant.

Changement de cap. Radical.

Lancé officiellement en 2004 par Sergey Brin et Larry Page, les co-fondateurs de Google, la règle du 20% permettait aux collaborateurs de Google de consacrer un jour par semaine à travailler sur des projets personnels annexes mais néanmoins liés à l’activité de Google tout en étant payés. Déjà pratiquée depuis de longues années par 3M dans ses départements R&D, la règle des 20% prend une dimension jusque inexploitée en matière de marque employeur. Et le monde de s’écrier au génie. Et aux talents de se bousculer, langue pendante et regards envieux, aux entretiens d’embauche.

Larry Page, qui a pris les rennes en 2011, ne l’entend plus de cette oreille. Il exige un recentrage de l’attention de ses troupes sur le contrôle, les mesures et la productivité pour canaliser l’innovation. En juillet 2011, il annonce la fermeture de Google Labs. Google Labs, c’est la plateforme collaborative d’échange de feedbacks sur les projets en gestation qui a quand-même donné naissance à AdSense (25% du chiffre d’affaires de Google atteignant les $50 milliards), à Gmail ou encore Google Talk.

Pour mener cette politique de contrôle, dans un premier temps, le management a été découragé d’accepter (pour ne pas dire encourager à refuser) ces congés de 20% pour projets personnels. C’est ensuite le top management qui a pesé de tout son poids pour supprimer purement et simplement ce qui a été un des modèles de management les plus copiés ces dernières années.

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Dans un deuxième temps, les règles pour mettre une innovation perso sur le marché se sont complexifiées à l’extrême. Les ingénieurs, qui plaisantent en disant avoir toujours ces 20% de temps libre (120% du temps pour des projets Google et 20% pour leurs projets persos) étaient oppressés par les conditions de lancement de ces nouvelles idées : contraintes techniques et logistiques à considérer dès le départ dans une vue “mondiale”, prise de responsabilité totale pour tous les effets directs et indirects, respect des plans de lancement / maintenance souvent drastiques, …

Enfin, Google n’arrête pas l’innovation. Certes non. Mais l’innovation sera moins démocratique, plus osée et beaucoup plus secrète. C’est ce que démontre Google X Lab. Moins d’élus, plus de moyens, plus de risques calculés et beaucoup plus de succès (financiers) espérés.

La mort des licornes à paillettes

Au-delà de la signature de l’arrêt de mort Google Labs, il y a de quoi s’interroger sur le message donné au monde extérieur en arrêtant la politique du 20% de Temps Libre.

A tout ses observateurs (et ils sont nombreux, qu’ils soient orientés IT, Management, Innovation, Environnement de travail, RH, … ) Google dit ceci : “A mort l’innovation démocratique et “spontanée”. Vive les balances scorecards et la planification rationalisée à tout va”.

Cette décision – qui n’a toujours pas été officiellement commentée et dont on ne trouve que quelques échos via le moteur de recherche Google (ha bon?), est pour le moins surprenante. Elle fait naître d’autres questions sur la future politique d’innovation de Google :
– comment maintenir un taux d’innovations spontanées ou collaboratives si toutes les idées et initiatives sont passés au crible de mesures et autres indicateurs?
– comment maintenir un pool de talent lié à l’innovation motivé et créatif?
– comment une culture de contrôle peut-elle contribuer à la remise en question et à l’innovation?
– comment attirer les jeunes talents, la nouvelles génération avec de telles règles de fonctionnement?

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Ce n’est pas tout, apparemment, de croire aux licornes à paillettes dans un monde où tout se passe pour le mieux dans l’intérêt de tous. Il serait pour le moins intéressant de connaître la réponse de Google à ces questions. A suivre donc sur la toile, web ou cinéma…

(sources : Quartz et HuffingtonPost)

12 thoughts on “A mort l’innovation? Google arrête les 20%.

  1. 92K résultats sur “google kills 20 percent”, pas de quoi crier à la manipulation des résultats de leur part. Les 20%, c’est une très bonne idée sur le papier, mais était-ce vraiment efficace? Une quantité étouffante du revenu Google vient de la pub, normal que le management ne soit pas serein dans ces conditions et veuille recentrer son activité. Ajoutez à ça le fiasco Google+ en train de se dessiner et vous obtenez assez de raisons pour arrêter cette règle des 20%. Pour ce qui est d’attirer le talent malgré tout, les arguments Google restent vrais: un environnement de travail motivant et remplis de challenges, des projets intéressants, un bon gros salaire… pas de quoi détourner les jeunes talents.

    PS: Fermeture de Google Labs en 2011, pas 2001.

    • “Une quantité étouffante du revenu Google vient de la pub, normal que le management ne soit pas serein dans ces conditions et veuille recentrer son activité.”

      Google garde des résultats financiers extrêmement solides. Il n’y a aucune panique chez eux. Le recentrage des activités a commencé après la rencontre entre Jobs et Page ou Jobs lui a donné précisément ce conseil là (son charisme et ses résultats passés chez Apple ont du faire un gros effet sur Page). http://www.macgeneration.com/news/voir/220672/steve-jobs-nouveaux-extraits-de-sa-bio

      Il est vrai que Google est fort dépendant de la pub mais est en bien meilleure position que Microsoft qui dépend pourtant beaucoup moins de la pub (elle ne lui rapporte quasi rien) mais qui a raté le coche des tablettes et des smartphones qui représente pourtant une part de plus en plus croissante de l’usage d’ordinateurs au sens large. Et la bataille pour le Cloud n’est pas non plus gagnée pour MS.

      Je serais donc beaucoup plus serein en étant manager de Google que de MS malgré l’apparente fragilité des revenus publicitaires.

      “Ajoutez à ça le fiasco Google+ en train de se dessiner et vous obtenez assez de raisons pour arrêter cette règle des 20%.”

      J’ai honnêtement du mal à comprendre le rapport entre la pub, Google+ et la stratégie des 20%. Je ne pense d’ailleurs pas que G+ soit un projet 20%.

      En réalité, c’est peut-être une des meilleures méthodes de GRH que je connaisse car, même à considérer que ton employé ne soit pas du tout productif un jour semaine et qu’il aille utiliser ce temps pour un projet d’intérêt collectif, si ce choix le rend heureux et utile, il sera doublement productif pour les 80% du reste du temps. Mais, certains de ces projets se révéléront très intéressant pour l’entreprise et “échapperont” au créateur. Ces 10% de projet (pas forcément visibles, ça peut être de la correction de bugs ou l’amélioration d’un fonctionnement d’un serveur) pourront déjà suffir à financer les 90% “improductifs”.

  2. sur un autre blog, ils sont un peu plus dubitatifs sur cette fin des 20%
    http://www.googland.fr/2013/08/les-20-google-la-fin-du-reve/

    cela a probablement pour origine la rencontre entre Page et Steve Jobs ou Jobs lui avait donné comme conseil de ne pas s’éparpiller et de se concentrer sur les meilleurs produits. Depuis, Google a fermé quantité de produits et recentré sa stratégie. C’est probablement devenu une obsession et les 20% la cible suivante. Enfin, on verra si Google abandonne vraiment les 20% et pour combien de temps.

    personnellement, je reste persuadé que c’était une excellente chose pour l’innovation et le bien être de son personnel. Et que si des adaptations peuvent exister pour éviter que Google ne propose “trop” de produits (même si je ne vois pas cela d’un mauvais oeil), la liberté des 20% doit pouvoir continuer quitte à ce que ce ne soit plus une liberté de créer mais une liberté de se consacrer à un autre projet ou à choisir une formation ou plein d’autres choses possibles.

    d’autant plus, et c’est un objet d’étude pour moi, que ces 20% peuvent être une excellente manière de lutter contre les “placards” ou les situations de “bore-out” qui existent dans toute entreprise ou organisation qui atteint une certaine taille

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  6. Vérifications prises auprès de Google : “The story is simply incorrect, we still have the 20% project. The “news” is based on an old source (from 2009/2010)”.

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