Pour beaucoup d’entre nous, la première semaine de télétravail à temps plein a été un véritable casse-tête. Entre trouver un endroit permettant de se concentrer dans son domicile, mettre sur pied son organisation personnelle, élaborer la logistique domestique, occuper les enfants, gérer les urgences professionnelles et trouver le temps de (faire à) manger, dormir et se laver… la vie si bien réglée il y a 10 jours est devenue un enfer, un cauchemar total. Et c’est sans compter le stress de la maladie, déculplé sans limite si un proche est malheureusement touché. Tout le monde le sait : ce n’est que le début… Comment survivre dans ces conditions ?
Il y a deux façons de trouver de l’aide : à la maison ou au travail. Explorons ici le volet professionnel.
1. Règle de base : NE VOUS ISOLEZ PAS et NE CULPABISLISEZ PAS !
Ce que nous vivons aujourd’hui est inédit, inattendu et imprévisible. Hollywood aurait voulu en faire un film, le public aurait jugé le scénario vraiment trop poussé. Alors que vous éprouviez quelques (beaucoup) (vraiment énormément) de difficultés à faire face et bien, c’est NORMAL. A chaque changement – et celui-ci en est un sérieux – il faut du temps (ce que l’on a pas) pour assimiler la nouvelle, dépasser le déni, gérer sa colère, accepter le chaos, lâcher prise, retrouver des repères, gagner en sécurité et en sûreté et enfin, rebondir et reprendre confiance. Et il faudrait faire cela en 5 jours top chrono. Donc oui, il est normal d’être totalement dépassé.e. Vous n’êtes pas seul.e dans cette situation et vous n’avez pas à culpabiliser de ne pas y arriver. C’est juste normal.
Ce qui est important, c’est d’en parler, d’objectiver et de trouver des solutions à mettre en oeuvre pour retrouver pied, aussi rapidement que possible. Alors, que faire ?
2. Prévenir les collègues
Soyons honnêtes : nous sommes beaucoup plus prompt.e.s à échanger sur nos tracas et nos difficultés avec nos collègues qu’avec notre boss. Alors partagez avec vos collègues de confiance ce que vous avez sur le coeur. Et allez-y franco : cela ne sert à rien de tourner autour du pot. Echanger à distance n’est déjà pas évident. Donc si les difficultés ne sont pas exprimées simplement, directement en allant droit au but, la distance atténuera la perception de l’importance de votre malaise.
N’ayez pas peur d’exprimer vos émotions : colère, frustration, peur, angoisse, découragement, exaspération, culpabilité, hors contrôle, … Il y en a tellement et elles sont tellement légitimes. Vous avez peut-être l’impression que vous ne pouvez pas vous permettre de les identifier, de les nommer, de les exprimer avec vos collègues. Pourtant il y a fort à parier qu’ils ressentent en partie la même chose que vous. Et savoir que l’on partage des émotions est un signe d’appartenance qui renforce le collectif. Le soulagement que vous allez ressentir est probablement à la hauteur du courage qu’il vous aura fallu pour vider votre sac. Courage donc !
Avez-vous un ou une collègue qui est dans la même situation que vous (familiale, sociale ou de fonction) : demandez-lui conseil. A quoi ressemble son organisation ? Quelles sont ses astuces ? Comment se gère la pression et le stress ? La personne a qui on demande conseil est souvent flattée de cette reconnaissance… alors allez-y. Demandez, tout le monde y trouvera son compte !
La force d’une équipe, c’est l’entraide, la solidarité. Si il a bien un moment pour l’activer, c’est maintenant. Demandez une aide temporaire : soyez specifique sur ce que vous aimeriez déléguer, sur la durée et sur les modalités d’exécution et de contrôle. Et lorsque vous aurez repris pied, n’hésitez pas à votre tour de tendre la main. Vos collègues pourront également vous aider à préparer votre entretien avec votre boss. Ne négligez pas cette piste.
3. Prévenir son boss
Ca, c’est le morceau souvent le plus compliqué. Parce que oui, il va bien falloir le / la mettre au courant de votre désarroi, de votre sentiment de perdre de pied ou de peter un plomb.
Première chose à savoir : qu’attendez-vous de votre boss ? Est-ce de l’écoute ? Des encouragement ? Une diminution de la charge de travail ? Une possibilité de prendre 2-3 jours le temps de tout mettre au carré ? Plus de flexibilité ? Plus de cadre ? Du soutien de collègues ? D’autres outils ? Au plus vous poserez concrètement votre attente, au plus vous aurez une chance d’avoir une réponse positive.
Deuxièmement : préparez-vous à donner un minimum de contexte. Certes votre vie privée ne regarde que vous et votre travail est en train d’envahir tout votre quotidien. Mais si votre boss est au courant de vos difficultés, il / elle devrait être plus enclin à vous aider à trouver une solution. Et les situations peuvent être tellement différentes : des enfants en bas-âge, plusieurs à devoir travailler dans le même espace (votre partenaire, des enfants plus âgés et vous), être touché.e à titre personnel par la maladie, une appréhension du télétravail, une souffrance due à la rupture de lien social, la difficulté de faire une césure entre vie pro ou perso, … Qu’importe. Il n’y a pas de gradation dans la gravité. Il y a votre besoin de résoudre votre difficulté. Et c’est en partie le job de votre manager de vous y aider.
Troisièment : planifiez le moment. Réservez du temps dans les agendas, le sien et le vôtre et ne traînez pas. Insistez si nécessaire sur l’urgence et l’importance de cet entretien. Il en va également de son intérêt : si votre performance est en baisse ou à risque, c’est sa propre performance qui en souffrira également. Au plus vite on ajuste ce qui doit l’être, au plus vite vite vous retrouverez confiance et énergie.
Quatrièmement : dites les choses. Et pour ce faire, parcourons ensemble une petite technique de communication non violente :
- Soyez aussi factuel.le que possible. Quels sont les faits ? Quel est le contexte ? Qu’est ce qui coince ?
- Exprimez votre ressenti : personne – et je dis bien PERSONNE – ne peut vous attaquer sur votre ressenti. C’est votre droit le plus légitime de l’exprimer. Parlez en “je”. Essayez de nommer vos émotions. Si vous craquez, ce n’est pas grave. Demandez un instant pour finir d’évacuer le trop plein et pour reprendre le cours de vos idées. A nouveau : une telle situation de stress est exceptionnelle. Votre réaction a le droit d’être proportionnelle.
- Exprimer ce dont vous auriez besoin pour que cela aille mieux : d’où la nécessité de bien préparer le point 2 de ce chapitre. Plus cela sera clair, plus vous aurez de chance d’arriver à vos fins. Votre boss imagine peut-être une autre alternative : n’hésitez pas à poser la question. Petit truc si vous avez un boss peu orienté compassion, peu à l’écoute ou peu accessible (et oui, certains cumulent, on le sait) : imaginez ce que votre boss a à gagner dans le fait de vous aider. En lui démontrant SES avantages, vous accroissez fortement votre potentiel de succès.
- Mettez-vous d’accord sur la solution et évaluez-en les bénéfices : résumez les options, clarifiez le qui fait quoi pour quand et à partir de quand la solution sera effective. Définissez le mode de mesure et de reporting, cela évitera les malentendus et les pertes d’énergie.
4. Qui prévenir d’autre ?
Selon la taille de votre organisation, vous pourriez avoir recours à un département RH, à un service (psycho-)social, à un département de santé et bien-être, à des personnes de confiance, à un service de médecine du travail, à une délégation syndicale, à un service externe d’écoute psychologique. Si tel est le cas et que vous ne trouvez pas d’oreille attentive auprès de vos collègues ou de votre hiérarchie (pensez également au boss de votre boss, à votre ancien boss, …) : faites-en usage. Ne vous réfrénez pas. Toutes ces personnes sont là pour vous.
Vous travaillez dans une toute petite structure et vous n’avez personne vers qui vous tourner ? Il y a de toute façon le service externe de médecine de travail qui est un premier recours, tous les employeurs doivent y être affiliés. Et surtout, parlez-en à votre famille proche ou plus éloignée, à vos amis.
Surtout, surtout, surtout ne vous isolez pas. Réagissez rapidement. Parlez. Exprimez-vous. Demandez de l’aide. Votre santé est importante. VOUS êtes important.e. Offrez-vous ce cadeau d’être écouté.e et aidé.e.
Parce que vous le valez bien.
Et prenez-soin de vous.