J’étais en train de réviser une présentation d’un collègue ayant pour thème «Invest to save / Save to invest» dans le secteur public quand une rébellion massive de mes valeurs a pris le dessus. Et me voici en train de pousser un gros coup de gueule sur les modèles traditionnels ou hype de management money-centric.
Bienvenue au Bureau du Recoupement (Brazil, Terry Gilliam)
Cost cutting, lean, BPR, ABC (activity-based costing), downsizing, offshoring, closure, disposal… Figurez-vous que certains consultants classent ces activités dans une catégorie « bénéfices durables ». Oui, on parle de dégraissage à tout niveau, on cherche le rôle stratégique des RH là-dedans et on colle une étiquette « développement durable » pour faire joli. Impossible à digérer surtout après avoir mangé du hochepot. Ca me donne des sueurs froides.
Et pour faire passer la pilule, on glisse ci et là que le Capital Humain est essentiel, critique, stratégique.
Excusez-moi… mais je suis dans un film du génial Terry Gilliam ou quoi ?
Qui espère-t-on leurrer ou séduire avec une telle approche ?
Et si on rebobinait et recommençait ? On reprend à zéro sur 2 axes : celui du “save to invest” et celui des «Ressources Humaines».
Petites considerations managériales sur le “Invest to save, save to invest”
Je trouve quand-même fort de café qu’en 2011, on ne pense que cost cutting pour faire des économies. Et je ne parle pas des «économies linéaires », dont l’absurdité totale est démontrée avec brio par Frank Van Massenhove, (www.frankvanmassenhove.org).
Pourquoi ne pas parler en tant qu’adultes à nos collègues, collaborateurs: « chers amis, la situation est grave. Elle pourrait même être désespérée mais ensemble, nous allons faire de cette crise une opportunité pour nous améliorer, faire mieux avec moins, faire autrement, ne plus faire comme on a toujours fait et innover ». C’est naïf ? Le boss de Nokia, Stephen Elop l’a fait début 2011 en 1.300 mots dans un briefing à toutes ses équipes. Impact majeur sur la mobilisation de la société même si cet appel était peut-être finalement un peu tardif… Quand je pense que certains recommandent de commencer par les étapes faciles comme de sucrer les biscuits (gratuits) avec le café (gratuit) pour démarrer des économies.. je me dis qu’on est franchement mal occupé.
Save to invest : ok. Laissons les organisations décider comment faire pour économiser ou être plus/mieux performante. Laissons le citoyen/client définir ce qu’il attend comme services et son niveau de « good enough ». Laissons le leadership définir sa vision pour atteindre ce niveau de service. Laissons le management suivre les résultats et agir en facilitateur. Laissons les équipes fixer ensemble les résultats auxquels elles s’engagent. Laissons chacun d’entre nous, en fonction de nos jobs respectifs, nous organiser (temps/lieu/moyens) à notre sauce… Je vous garantis des résultats qui dépasseront vos espérances.
Et invest to save. Oui, il faut parfois investir pour faire mieux ou autrement. Oui, il faut prendre des risques… mais toujours des risques calculés, avec des périodes de retour sur investissement courtes ou à moyen terme. Mais une fois l’investissement remboursé, les bénéfices doivent en tout ou partie revenir à l’organisation qui les ré-investira. Qui a déjà fait un prêt à la banque pour améliorer sa consommation énergétique, l’a remboursé et à continuer à reverser 100% des bénéfices à cette même banque ? Personne bien sûr. Pourquoi devrions-nous le faire dans le secteur public ?
Et maintenant, on rebobine les Ressources Humaines.
Le terme Ressources Humaines a fait son temps. Les gens, les personnes, toi, moi, nous… nous ne sommes pas des ressources. En tout cas, je ne me considère pas comme une ressource. Je suis une femme, une compagne amoureuse, une maman, une amie, un ingénieur commercial avec 16 ans d’expérience en “RH”, une liégeoise qui vit en Flandres, une Belge européenne… tout mais pas une ressource humaine.
Je suis comme toi, elle, lui. Nous sommes des êtres humains qui souhaitons nous épanouir dans ce que nous faisons que ce soit au niveau privé, professionnel, social, physique, intellectuel, spirituel.
Et pour ce qui est du professionnel, nous souhaitons idéalement mettre à disposition notre temps, notre énergie, nos mains, notre cerveau à la disposition d’un employeur qui de préférence :
– nous rémunère à hauteur de nos compétences et reconnaît notre valeur ajoutée, ce qui nous évite des tracas bassement matériels
– met à notre disposition un environnement sain et épanouissant
– nous demande de travailler à des projets qui font du sens
– nous considère comme des adultes capables de réfléchir et de s’organiser (ce qu’on fait d’office très bien en dehors du boulot)
Parler de patrimoine humain, c’est s’inscrire dans la durée, dans une notion de prospérité.
Parler de capital humain, c’est s’inscrire dans le court terme, dans une notion de rentabilité.
Parler de ressources humaines, c’est faire référence à de l’exploitation (de ressources) et à des mesures de performance de cette utilisation.
Parler de gestion du personnel. Autant ne pas en parler. J’ai des images de gardiens de troupeaux qui envahissent mon esprit.
Je cèderai, je l’espère, un patrimoine à mes enfants et non pas un capital. Mon patrimoine comprendra peut-être un capital mais surtout des valeurs, des attitudes, un savoir vivre, une volonté de gérer responsablement dans la durée.
Je n’ai plus aucune envie d’être étiquetée « Directeur des ressources humaines ». Encore moins de directeur du personnel. Ni de directeur du Capital Humain. Ni Directeur Personnel et Organisation (ça a l’air vieillot et pourtant, c’est le moins pire de tous).
J’ai juste envie d’être développeur d’un patrimoine humain. J’ai envie que mes équipes, mes collègues s’épanouissent et soient réellement heureux de contribuer à la mission de notre organisation. Ca me donne envie de me lever le matin… Ca me donne envie d’être un jour un “Chief Happiness Officer”.
Mon objectif, c’est votre bonheur. Mon objectif c’est de rayonner de bonheur autour de moi. Même si il n’y a rien de plus délicat que de faire le plaisir d’autrui.
Bonjour,
J’ai en effet ce genre de reflexion qui gratouille en ce moment, et je suis tombé sur votre ticket.
J’en suis même arrivé à la conclusion que le developpeur doit s’émanciper des fonction RH mercantilisées (pour ne pas dire perverties par l’agent).
Voulez vous qu’on débatte sur le sujet ?
N’hesitez pas à me contacter.
Camille