RH, êtes-vous prêts?

Minority-Report-HD-Movie-2002-2 Notre monde évolue tellement vite. La mondialisation, l’infobésité, les media sociaux, l’économie du partage, la co-création, le Big Data, le retour à l’Humain… Toutes ces tendances font pression sur nos organisations pour se faire une place dans nos vies professionnelles. La résistance s’organise. La réglementation ne cèdera pas. Et pourtant, ces tendances dont on entend parler depuis quelques années ne sont rien par rapport à celles qui pointent le bout de leur nez. Sommes-nous prêts?
Article paru initialement dans le Peoplesphere n°190

PARTIE 1 : Le O de demain : sommes-nous prêts?

Le O d’aujourd’hui

En effet, bien des choses peuvent être considérées comme le O de P&O – Personnel et Organisation, une traduction plus politiquement correcte des Ressources Humaines. Par O, il est communément accepté qu’il s’agit de formation, de développement, de systèmes d’organisation, de promotion, de mobilité interne, de gestion de la performance, de développement de talents, de gestion du changement et de toute la batterie d’indicateurs qui permet de s’assurer de la bonne gestion du O. De stratégie et de long terme. Pas de quoi s’émoustiller à moins de pimenter toutes ces pratiques par un peu de créativité.

Pas de O sans…

Essayons donc ici de sortir des chemins battus et de nous pencher sur le fondamentaux qui assureront une gestion plus holistique, plus intégrée de notre développement organisationnel afin d’avoir un effet maximal sur la performance de nos entreprises. Et plutôt que de regarder vers le passé pour en tirer des enseignements, regardons les tendances émergentes. Toutefois, avant de plonger dans ce qui nous attend d’ici 2020, gardons en tête 2 grands principes qui permettent d’asseoir notre action en développement de l’organisation.

La pérennité d’abord…

Certes les résultats doivent suivre vite et bien. Mais à force de devoir délivrer des résultats en croissance à deux chiffres dans une économie morose, on finit par mettre le doigt dans le pot de déconfiture. Aucune croissance durable ne s’obtient en (comp)pressant le capital humain au rythme des résultats trimestriels. Aucune confiance ne s’instaure à coup de régime forcé (licenciements à la pelle) suivi de périodes de gabegie (recrutement à tout va parce que c’est là maintenant tout de suite qu’il faut bouger). En tant que développeurs de patrimoine humain (et pas de capital humain, nous valons mieux que cela), il est de notre devoir d’instruire les dirigeants, du Conseil d’Administration à nos collègues du Comité de Direction, des bienfaits des innovations en matière de management.

Nous pouvons par exemple promouvoir les principes du Slow Management et des indicateurs durables. Le Slow Management, c’est l’ensemble de pratiques managériales alternatives destinées à créer des environnements coopératifs, stables et durables privilégiant l’épanouissement humain (source: Wikipedia). Le Slow Management ne signifie pas réduire la croissance mais réduire les impacts néfastes du court-termisme, agir au mieux dans l’intérêt de toutes les parties et gérer frugalement les ressources disponibles. Et si nous avons la prétention de contribuer à l’éducation de nos dirigeants, c’est que nous nous posons nous-même en modèle exemplaire. Sommes-nous prêts à adapter notre stratégie RH aux principes de la co-création, de l’agilité et à réellement mettre l’humain au coeur de nos préoccupations?

… l’anticipation ensuite.

Il est de la responsabilité des “Ressources Humaines” de rester au fait de l’évolution de la Société, du marché, des tendances managériales et des incubateurs de nouvelles tendances. Trop souvent, nous entendons dire : “oui c’est bien mais chez nous çe n’est pas possible chez nous”. Ou encore “j’attends encore un an ou deux avant de me lancer, si c’est une vraie tendance, il sera encore temps”. Malheureusement, nous n’avons plus ce temps ni le luxe d’attendre que les choses se confirment. Nous devons être dans l’anticipation, dans la prise de risques (calculés) si nous voulons permettre à notre organisation de rester un employeur crédible et attractif.

Un des meilleurs outils pour la veille stratégique, en dehors des communautés virtuelles ou réelles que vous avez eu l’intelligence de rejoindre, ce sont évidemment les media sociaux. LinkedIn, ScoopIt (ou tout autre outil de curation) ou encore Twitter regorgent d’informations venant des 4 coins de la planète. Inutile de tout lire, de tout suivre. Il est par contre très enrichissant de piquer 5 ou 6 articles par semaine, souvent dans d’autres disciplines (entreprenariat, startup, social business, art, sport, hightech) et les lire en se posant la question : “qu’est-ce que cela pourrait signifier pour mon organisation?” Les réponses vous appartiennent et tout n’est pas transposable… mais ce petit exercice, pratiqué au quotidien, muscle votre capacité à anticiper et nourrit votre créativité.

PARTIE 2 – Quelles sont les tendances d’aujourd’hui qui auront un impact sur le O de demain?

1. Nanobiotechnologies et avantages en nature

Depuis plusieurs mois, des thèses très étayées et sérieuses sur l’impact des biotechnologies sur nos organisations et la montée en puissance des robots humanisés sont accessibles au grand public.

Les théories de Laurent Alexandre (chirurgien urologue, fondateur de Doctissimo) relatives à l’allongement significatif de la durée de notre vie suscitent aujourd’hui de nombreux débats. La science repousse en effet les limites du possible en matière de remplacement de cellules malades par des cellules saines, reproduites sur base du génome humain du patient. Laurent Alexandre décrypte également les stratégies de Google et Amazon en matière de rachats des sociétés du domaine de la NBIC et leur volonté affichée de prolonger, d’ici 2035, l’espérance de vie de 20 ans! Indubitablement, nous ne sommes pas sortis des projets de report de l’âge de la pension. Et cela nous forcera également à repenser, plus sérieusement encore, la fin de carrière de nos “seniors” auxquels nous devront proposer des challenges adaptés et motivants.

Mi-2014, Apple et Facebook développaient des politiques qui suggèrent à leurs (futures) employées de congeler leurs ovocytes pour mieux planifier leur grossesse en fonction de la carrière et ils remboursent l’opération dès 2015.

La plupart des organisations dites “Great Place to Work” proposent des politiques de soins de santé “avancés”, qui dépassent largement le cadre d’une assurance hospitalisation. Sommes-nous prêts à proposer des séquençages ADN à nos employés afin de les prémunir efficacement contre les maladies graves qu’ils pourront avoir?

2. Robots et intelligence artificielle

Grâce aux avancées technologiques et en réponse au coût du travail ainsi qu’à la volatilité de la performance des hommes et des femmes qui composent nos organisations, nous voyons se radicaliser la robotisation des usines ET des métiers de la connaissance. Quelle place aura encore l’Homme, qualifié ou moins qualifié, dans nos entreprises?

En 2014, Eugene Gootsman, un programme d’ordinateur a passé avec succès pour la première fois le test de Turing : tromper lors d’une conversation à l’aveugle un jury composés d’êtres humains et le convaincre qu’il discutait avec un personne et non une machine.

En 2014 toujours, Foxconn, mondialement critiqué pour ses pratiques de travail inhumaines résout son problème d’image : il remplace ses travailleurs par des milliers de Foxbots, des robots capables de produire nuit et jour sans se plaindre. Un premier test avec 10.000 Foxbots pour la production de l’iPhone6, un investissement parallèle de 10,5 milliards de dollars en technologie avancée pour chaîne de production et le problème est réglé. Fini de rire… Tout ceci se passe ici et maintenant. Nous allons bientôt devoir passer de la gestion des Ressources Humaines à celles des Robots Humanisés. Sommes-nous prêts?

3. L’accès à la connaissance et les managers de robots

Un autre exemple d’anticipation assez extraordinaire est celui de Tesla, constructeur de voitures électriques. Son CEO, Elon Musk, est un iconoclaste de premier rang. Il a décidé de rendre publics tous les brevets de sa société, à l’encontre-même des principes de confidentialité garantis par l’obtention du dit brevet.

Pourquoi une telle décision? De un, si la concurrence n’arrive pas à suivre, ses équipes R&D ne seront pas stimulées pour continuer à inventer. De deux, si le monde de l’automobile doit évoluer et adopter l’énergie électrique, ce n’est pas en état un des seuls acteurs que cette révolution arrivera. Donc, c’est journée porte-ouverte sur des années de recherche.

Imaginez la révolution d’une telle pratique au sein de nos organisations scientifiques, industrielles. Quel changement de culture, de gestion, de leadership radical! Sommes-nous prêts?

Outre le fait que ses usines ressemblent à des musées d’art contemporain, Tesla se lance aussi dans la construction d’une Gigafactory, estimée à plus de 5 milliards de dollars qui, d’ici 2020, devra produire 500.000 batteries électriques par an. Pour se faire, Tesla envisage la création de 3.000 emplois directs et indirects et catégorise les jobs en 3 rôles: les ouvriers, le middle management et le top. Pour les ouvriers, Tesla va équiper les écoles locales de ses unités de production pour que les petits jeunes puissent directement se faire la main. Pour le top, c’est somme toute assez classique en matière de compétences mais ce sera l’attitude et la personnalité qui feront la différence. Vient enfin la cible critique : le middle management puisque le nombre d’ouvriers sera inversement proportionnel au nombre de robots. Et là, Tesla d’avouer qu’il ne sait pas encore quel profil fera la différence. “La seule chose que nous pouvons dire, c’est que nous ne savons pas. Et nous ne savons pas non plus ce que nous ne savons pas encore.” Si ça ce n’est pas du challenge intéressant en matière de développement des compétences… Sommes-nous prêts?

PARTIE 3 – Retour sur terre?

Ces réalités pour certains sont heureusement encore bien loin pour la plupart d’entre-nous. Mais ce n’est qu’une question de temps. Ces changements sociétaux bouleverseront tout ou tard, d’une façon ou d’une autre, nos organisations. Alors, que faire pour nous y préparer? Nous avons déjà 4 leviers d’action à notre disposition : la culture, les valeurs, le leadership et la technologie.

Culture

Peter Drucker l’affirmait haut et fort: la culture mange de la stratégie au petit déjeuner. Pas l’inverse. Nous sommes loyaux à une culture, pas à une stratégie. Notre sentiment d’appartenance, notre fierté tient au plaisir que nous avons de collaborer en partageant des valeurs, pas à des plans à 3 ans ni à des objectifs SMART. Et qui est à la meilleure place pour instaurer une culture? Le fondateur, bien sûr, relayé ensuite par les leaders à tous les niveaux de l’organisation et par les RH. Les leaders sont dans la traduction interactive au quotidien de la culture. Les RH vont fortement influencer la façon d’interagir à travers les processus et outils de développement et de suivi mis à la disposition des responsables d’équipe. Nous, RH, avons la responsabilité de définir des politiques, des outils, des programmes de d’attraction et de développement des talents et du leadership qui favorisent l’épanouissement de la culture de l’organisation. Et malheureusement, nous oublions trop souvent que nous sommes au service de l’organisation et de sa culture en construisant des usines à gaz RH qui deviennent impossibles à démanteler. A nous donc de nous assurer que toute nouvelle politique et toute nouvelle procédure renforcent avant tout la culture de notre organisation et contribuent ainsi de façon souple et efficace aux changements qui doivent avoir lieu. Sommes-nous prêts à nous remettre en question?

Valeurs

Dans la veine de la culture, nous avons bien entendu les valeurs de l’organisation qui sont un des piliers fondamentaux du O.

Ce sont les valeurs partagées qui assurent un “Vivre Ensemble” épanouissant. Comment peut-on créer un environnement épanouissant? En permettant aux collaborateurs d’avoir confiance dans le fait qu’ils ne seront pas trahis et donc, qu’ils peuvent, en confiance, partager à plusieurs un même espace et un même objectif. Les RH doivent donc faire en sorte de recruter / de promouvoir / de favoriser la mobilité de collègues qui partagent les valeurs de l’organisation… telles que l’équipe les vit!! C’est là toute la différence entre un fantasme (les valeurs de l’organisation) et la réalité (les valeurs de l’équipe)! Les valeurs de l’organisation resteront à jamais de jolis posters sur les murs si elles ne sont pas traduites en comportements et mises en oeuvre par les équipes.

Nous pouvons donc promouvoir avec insistance la cooptation au recrutement et à la promotion, les systèmes d’évaluation en équipe à un rythme court (pour ajuster), la déclinaison des objectifs sur 3 piliers : la qualité, la quantité et l’attitude bien sûr.

C’est ainsi que les valeurs vivront à la façon d’un yaourt Biofidus (ce qu’il fait à l’intérieur se voit à l’extérieur), en cohérence à l’intérieur de l’organisation (employés) et à l’extérieur (clients, fournisseurs, partenaires, …). Sommes-nous prêts à être cohérents dans la gestion des valeurs?

Leadership (inspirant)

Tous ces beaux concepts peuvent rester de jolies théories si ils ne sont pas adoptés par les équipes. C’est donc ici que le leader inspirant – du top au leader de terrain, déploie toute sa raison d’être. Il est clair qu’il en faut de l’énergie pour convaincre le leader, déjà coincé entre son équipe, sa hiérarchie et les objectifs à atteindre, à contribuer activement à mettre en oeuvre des changements organisationnels. Et il faut au moins autant d’énergie pour l’équiper des bons outils.

D’aucuns pensent que le manager, finalement assez malheureux dans son rôle et relativement inefficace dans son aptitude à mener à bien des changements d’envergure devrait disparaître au profit de structure holacratique. L’intelligence collective dirigera le monde au profit du plus grand nombre. Intellectuellement stimulant… mais il n’en reste pas moins vrai qu’un bateau a besoin d’un capitaine pour arriver à bon port. Le leader inspirant est celui qui créera ou partagera la vision, soutiendra l’équipe dans l’adversité, facilitera l’obtention des ressources et qui, au moment de célébrer les succès, s’effacera au profit de ses collaborateurs. Ainsi le dit Lao-Tseu et il n’y a pas de raison que cela change.

En parallèle, nous voyons également l’émergence d’organigrammes circulaires. Le leader se met au centre et non plus au sommet dans une bonne logique hiérarchique ou en bas de la pyramide inversée, dans une logique de “client first”. Le leader est la plaque tournante de l’information et de la gestion des ressources. Il fluidifie la communication, il met en relation. Il attache la même importance aux différents aspects de son activité et met directement ses “troupes” en contact avec les utilisateurs finaux. Il veille à l’agilité de son équipe et s’adapte rapidement selon les contraintes et obstacles. L’erreur (et non la faute) est considérée comme la plus grande source d’apprentissage et se partage.

A nous, RH, de permettre à nos leaders d’embrasser avec sérénité et courage les changements de paradigmes managériaux auxquels l’organisation est confrontée. Sommes-nous prêts à favoriser l’épanouissement de cette “nouvelle” génération de capitaines?

Massclusivité

Enfin, terminons par un principe un peu étrange, celui de la massclusivité. Le terme, emprunté aux trendsetters de la grande distribution, est un concept assez simple finalement. Il s’agit d’offrir le même service à tous, personnalisable au point que tous sont convaincus que le produit / service est répond 100% à leurs besoins propres et uniques. Si vous ne voyez pas ce dont il s’agit, pensez à un iPhone. Même engin pour tous, même politique de prix mais tellement personnalisable par ses applications qu’aucun iPhone n’est identique. C’est ce qui renforce également le sentiment de “l’Expérience Client Ultime”. Les SaaS (software as a service) permettent à l’heure actuelle de faire du “P” (de P&0) une expérience sympa et intéressante pour le manager et l’employé. Les MOOC (Massive Open Online Courses) permettent de personnaliser à l’extrême et à moindre coût le trajet de développement de chacun. Les applications RH, encore trop rares malheureusement mais elles arrivent! -, vont stimuler l’appropriation des fondamentaux RH par chaque employé au point que la gestion du P (gestion du personnel) va devenir dispensable, voire presque obsolète. Ce sont des tendances, certes, mais elles frappent à notre porte. Sommes-nous prêts à les laisser entrer?

L’automatisation et la sécurisation des données vont ainsi permettre aux RH “classiques” de gagner énormément de temps pour se consacrer au développement de l’organisation. C’est ainsi que les RH pourront gagner dans la foulée en impact pérenne, prendre le temps de l’anticipation, renforcer la culture, développer les valeurs, agir de concert avec des leaders inspirants, s’appuyer sur la technologies pour finalement faire ce qu’on doit faire le mieux : rendre nos collègues heureux pour assurer la performance durable de nos organisations. Sommes-nous prêts pour ces nouveaux défis?

Franchement, ce serait bien que nous nous y préparions. Parce que la clé du succès se trouve là aussi, dans l’anticipation et la mise en oeuvre des actions adéquates qui garantiront performance pour l’organisation et bonheur pour les collaborateurs.

 

One thought on “RH, êtes-vous prêts?

  1. Pingback: RH, êtes-vous prêts? | Agilit&eacut...

Leave a Reply

Fill in your details below or click an icon to log in:

WordPress.com Logo

You are commenting using your WordPress.com account. Log Out /  Change )

Facebook photo

You are commenting using your Facebook account. Log Out /  Change )

Connecting to %s